Laura Navarro

Je suis installée dans un atelier partagé dans le quartier de la Croix-Rousse à Lyon, historiquement le quartier des Canuts, les anciens tisseurs de soieries. Je partage une grande pièce avec trois autres artisanes qui font complètement autre chose. J'aime l'idée de travailler de manière indépendante tout en étant entourée d'autres personnes, de pouvoir discuter, demander des conseils, avoir une énergie de groupe. J’ai une belle luminosité avec une très grande baie vitrée. Ici, je jongle entre mon activité de costumière et d'autres projets : l'atelier est donc rempli de tissus, une étagère déborde de bobines de fils, des livres, une machine à coudre... Mais le plus important (et imposant), c’est mon métier à tisser, d’environ 80 x 80 cm, et mon grand bureau, c’est-à-dire une planche de bois montée sur trétaux.

Je suis plutôt fière de mon projet de diplôme en design textile car c’est celui qui m’a permis de développer pour la première fois l’univers autour duquel je travaille encore aujourd’hui. Je me suis lancée dans la fabrication de plusieurs surfaces tissées alors que je n’avais pas de matériel ni de formation en tissage. J’ai appris le tissage jacquard en parallèle de mes cours auprès d’anciens canuts, et j’ai réalisé mes pièces à la Turbine Créative, un tiers-lieu dédié au textile dans la Vallée du Dorlay (42).

Je commence par chercher des associations de matières et de couleurs de manière assez instinctive, mais toujours inspirée par le paysage méditerranéen et son mode de vie. Cela peut être des grains de sable secs et chauds, les couleurs du ciel, la sécheresse du vent. Je cherche à comprendre ce que ces associations peuvent raconter et éveiller comme imaginaire. J’expérimente ensuite sur un métier à tisser en petit format pour développer des rythmes et des textures. C'est la partie la plus créative, car je suis vraiment en train de chercher, d’essayer, de faire naître des récits et des usages. Parfois, en parallèle, je fais aussi des croquis très graphiques, juste avec des lignes et des entrelacs, notamment lorsque je travaille avec de la corde de bateau qui vient structurer une surface tissée. Après cette phase d’expérimentation, je passe à une échelle plus grande, où le choix des matières et de l'armure finale détermine la typologie d'objet que je vais tisser. L'armure est la manière dont les fils s’entrecroisent pour former un motif que l'on retrouve sur toute la surface du tissage. C’est ce qui forme les petites vagues sur certains de mes objets.

J’adorerais participer au concours Design Parade de la Villa Noailles. C’est un concours de design d’objet et d’architecture d’intérieur qui met l’accent sur l’environnement méditerranéen et valorise la pratique artisanale. Depuis que je suis au lycée, je vais chaque année voir les expositions du concours et je suis toujours admirative et émerveillée. Bon, si je pouvais déjà voir mes tissages en vente dans la boutique de la Villa, ce serait incroyable !